Tuesday, June 19, 2012

LA QUESTION DE LA VERITE DANS LE MONDE AUJOURD'HUI

Julien Munganga, Kikuni Lucio et Jean-Marie

Un mot du jargon philosophique : l’ « herméneutique ». C’est simplement le souci que nous avons aujourd’hui de ne jamais oublier que toute connaissance est une interprétation. Si nous gardons ce souci – ou ce soin – nous retrouverons le travail du deuil. On n’y échappe pas !
Peut-on connaître l’objet de connaissance tel qu’il est (chose ou personne) ? En tant que sujet, je ne peux pas prétendre dire l’objet tel qu’il est, mais seulement tel que moi je le perçois, avec mes sens, ma culture, mon expérience, mon éducation…etc.

La vérité est subjective , dans ce cadre philosophique, la vérité doit toujours être écrite avec  la lettre « v »minuscule. Chaque personne prétend connaitre la vérité. En matière de la foi, si vous demander à un musulman sur sa doctrine, il vous dira qu’il sait ce qu’il fait et que c’est lui qui a raison ; la même question à un catholique il vous répondra la même chose.
D’ailleurs il est impossible de prouver l’existence de Dieu et il devient très impossible de prouver aussi la non-existence de Dieu.
En tant que chrétien, je crois que ces deux propositions sont importantes à comprendre, d’ailleurs ne pas prouver l’existence de Dieu est l’un des meilleurs facteurs qui nous conduit à Lui car si on prouve l’existence de Dieu, la foi n’aura plus de sens. C’est pourquoi on nous appelle des croyants.
Si vous poser une question à un physicien (surtout un physicien quantique) de savoir qui a crée l’univers et il vous répondra : l’énergie. L’énergie ne peut être créer ni détruite ; elle a toujours été et toujours elle demeurera ; et tout ce qui existe à jamais a toujours existé et cela ne fait que traversé le s formes, traversés les formes et quitté les formes ».  Aller aussi voir un Théologien et poser lui la question : qu’est ce qui a crée l’univers ? et Il vous répondra : «  C’est Dieu.  Dieu ne peut être créer ni détruit ; Il a toujours été et toujours il demeurera ; et tout ce qui existe à jamais a toujours existé et cela ne fait que traversé les formes, et quitté les formes ». Paul Harrington, the secret. C’est la même description, seule diffère la terminaison.
 Enjeu : Ma lecture de la Bible est fortement influencée par ma culture, mon éducation. Ce sera toujours une interprétation. Savoir cela est d’un grand profit.
Le Père m. af me disait : «  Tout ce qui se trouve dans la Bible ne s’y trouve pas réellement et tout ce qui ne se trouve pas dans la Bible, s’y trouve ». André  La Vérité est subjective. Elle dépend des nos interprétations. Mais savoir que c’est une interprétation peut m’aider aussi à modifier mon interprétation. Il y a une distance entre le temps de Jésus et le mien. Tout ce que je dis, je le dis sans oublier la distance entre Jésus et moi dans le temps (ne pas faire semblant d’être du temps de Jésus ; ne pas non plus faire comme si l’évangile était de l’an 2000 ; mais tenir compte des deux). Exemple de l’homme à la main desséchée (Lc 6,6-11).
Enjeu : Un enrichissement. Mon interprétation et celle de l’Eglise aujourd’hui sont la continuation de l’interprétation des premiers disciples, la croissance du Corps du Christ.

Il y a aussi l’apport des sciences humaines : psychologie, sociologie, linguistique… Mais les sciences prétendent à un savoir objectif. Cela est bon, dans leur domaine. Mais c’est encore un langage, une culture. Nous devons, après les avoir utilisées, reprendre une distance (la critique de la critique). Chaque fois que nous accueillons une interprétation, sans en être prisonniers, nous avançons dans une autre interprétation et enrichissons la compréhension du texte.
Enjeu : Profiter des sciences humaines. Mais revenir toujours du niveau impersonnel au niveau personnel conscient.

  En tout cas, on ne s’endort jamais sur l’oreiller d’une vérité trop évidente, qui dispenserait de ré
fléchir. Il faut faire le deuil de la vérité immobile, qu’on posséderait définitivement. La vérité est vie, elle est mouvement.
Enseignement de l’Eglise durant 20 siècles : une interprétation de la Bible, et une interprétation des interprétations précédentes. Une relecture constante. Un livre, dans la mesure où il est lu, donc interprété par son lecteur, échappe à son auteur et le dépasse. Les lecteurs innombrables qui forment le Peuple de Dieu sont aussi, en quelque sorte, les auteurs de la Parole de Dieu, dans l’Esprit Saint. Ainsi se constitue la Tradition, porteuse du texte.
            Mais la Bible brouille les pistes : elle est livre au singulier et au pluriel, elle est écriture au singulier et au pluriel ; elle est lecture et écriture, elle est oral (oracle…) et écrit. C’est pourquoi notre interprétation doit tenir compte de tout cela.
En Conclusion, jusqu’a présent d’après moi, il n’existe pas de vérité avec « v »majuscule. En tant que chrétien, une seule vérité qui existe avec un « V » majuscule c’est JEUS-CHRIST.(Cfr Jean 14 :6).

Tuesday, June 5, 2012

VIVRE ET LAISSER VIVRE. AU NOM DE TOUS LES ALCOOLIQUES. VIVRE SANS ALCOOL


Autrefois, pour supporter certaines personnes, nous buvions. Aujourd’hui ce proverbe « Vivre et laisser vivre » nous aide à vivre à côté de ces gens-là.
Durant notre jeunesse, nous buvions pour faire comme les autres. Puis il y a eu les mariages, les matchs de foot, toutes les fêtes. Nous buvions parce que tout le monde buvait.
Plus tard, des personnes critiquaient notre façon de boire. Alors nous avons bu seuls ou en cachette. Et si on nous voyait, nous donnions des explications, pour éviter leurs reproches.
Après avoir bu, certains d’entre nous, avaient envie de se bagarrer. Pour d’autres un ou deux verres facilitaient la rencontre avec les autres, dans une réunion, une fête, pour demander un travail, ou même pour faire l’acte sexuel. Nous avons cherché nos amis chez les « vrais buveurs » et évité de rencontrer les abstinents.
La famille nous critiquait. Le patron nous a chassé du travail à cause de notre bouteille.
Tous ces gens-là nous mettaient en colère. Nous aurions voulu qu’ils se mêlent de leurs affaires et nous fichent la paix ! Nous avons craint aussi les personnes qui ne nous faisaient pas de reproches. Nous nous sentions coupables devant ces gens-là. Nous avons changé de bar ou de maison, pour ne plus les rencontrer.
L’opinion des personnes avait de l’importance et nous poussait encore à boire.
A la première réunion des Alcooliques Anonymes chez Hope and Health Vision, quel soulagement, quelle paix ! Voilà des personnes qui ne nous jugeaient pas, qui ne se méfiaient pas. Ils nous comprenaient, s’intéressaient à nous. Et nous avons cessé de boire.
A l’extérieur, c’était différent : on continuait à à se méfier. Patientons. Car autrefois, ils avaient entendu nos promesses, ils avaient vus nos efforts, et nous retombions toujours. Alors on peut comprendre leur méfiance aujourd’hui.
Il y a partout des gens qui ont des opinions et des actions différentes de nous. Pour notre bien-être, apprenons à vivre avec ces différences. « Vivre et laisser vivre ».
Chez Hope and Health Vision, nous voulons beaucoup apprendre la tolérance. Si quelqu’un nous blesse par ses paroles ou ses actes, nous aurons peut-être envie de boire. Mais retrouver la santé est la première chose. Car nous nous rappelons que l’alcoolisme peut tuer. Et il tue !
Nous voudrions être compris. Mais, pour notre santé, il est important de comprendre les autres, plus que d’être compris. Il faut aussi que nous acceptions de ne pas comprendre. Nous voulons respecter le droit de chacun de faire et de parler à sa manière. Alors les autres nous traiteront avec tolérance.
Lorsque nous nous rencontrons avec des personnes que nous aimons, nous sommes moins troublés par ceux qui nous plaisent moins.
Aucun d’entre nous ne se souvient qu’on l’ait forcé physiquement à boire. Personne ne nous a attachés pour nous verser de la boisson dans la gorge. Alors maintenant nous voulons que personne ne nous pousse mentalement à boire.

Car autrefois nous savions bien trouver des raisons de boire dans l’attitude des autres : « Si je bois, c’est à cause du caractère de ma femme ; c’est parce que mes enfants ne m’obéissent pas ; c’est parce que mon patron est méchant ; c’est à cause de mes copains buveurs qui se moquent de moi… etc. » Si aujourd’hui nous gardons rancune envers quelqu’un, cette rancune risque de nous faire boire. Nous avons appris à n’avoir aucune rancune contre personne. Ainsi nous évitons cette tentation de boire.
Un sage d’autrefois disait qu’on ne devrait jamais critiquer son prochain avant d’avoir marché un kilomètre dans ses chaussures. Cela peut nous aider à avoir beaucoup de compassion pour les autres. Cette compassion nous mettra beaucoup plus à l’aise qu’une cuite !
« Laisser vivre ». Mais aussi « Vivre ! » Pour vivre tranquillement notre propre vie, il est nécessaire d’oublier le caractère ou les actions des autres. Essayez cette expérience : Quelqu’un vous fait souffrir… Reportez à plus tard de penser à cette personne.     Plus tard, si Plus tard, si vous voulez, vous vous mettrez en colère contre lui. Occupez-vous de votre propre façon de vivre.
Est-ce que vous l’avez oublié ? Pas complètement ?

Il y aura  d’autres Chapitres qui vont suivre dans les articles  de Hope and Health Vision, section Toxicomanies- Alcool.

Article de BAZIBUHE Jean-Marie Vianney

Cet article est aussi trouvable sur www.jeanmariewrites.blogspot.com ou tout simplement pour le recevoir gratuitement contacter le :
HOPE AND HEALTH VISION
B.P 296/ BUJUMBURA BURUNDI

Friday, June 1, 2012

12 ETAPES POUR STOPPER D'ETRE ALCOOLIQUE(En Français, Swahili et Mashi).


1.Première étape des Alcooliques Anonymes : Nous reconnaissons ceci : nous sommes sans force devant l’alcool, nous ne sommes pas les maîtres de notre vie.
Tumekubali kama hatuna uwezo mbele ya pombe, tumepoteza uwezo wetu juu ya maisha yetu.
Rhwabano rhwabwine oku amavu garhuashire bwenene – bulya rhwahezize obwashe bwakalamo kirhu.
2.Nous commençons à croire ceci : une Puissance plus grande que nous-mêmes (Dieu) peut nous rendre la raison.
Tumefikia kusadiki kuna uwezo juu yetu (Mungu) inaweza kutupatia haki.
Rhwabwine rhweshi no buhashe bwirhu irhagi lyo lukengwa.
3.Nous décidons : je veux confier à Dieu ma volonté et ma vie. Dieu va s’en  occuper.
Tumekusudia kutoa mapenzi yetu na maisha yetu katika mikono ya Mungu.
Rhwahigire okuhana obulonza bwirhu n’akalamo kirhu omumaboko ga Mungu, nkoku rhwanabwine.
4.Avec courage et avec soin, nous avons regardé notre vie : je fais un examen de conscience détaillé de toute ma vie.
Tumejaribu kuhesabu bila woga hali yetu ya ndani.
Rhwarondire okulolereza buzira boba byoshi ebyendalala y’emirhima yirhu.
5.Nous avons avoué nos fautes et nos défauts à Dieu, à nous-mêmes et à un    autre être hu­main.
Tumehakikisha  kwa Mungu na kwa sisi wenyewe na mtu mwengine uzaifu wetu.
Rhwayeresire Mungu na kulirhwene nnanene n’okuundi muntu n’obwalagale obuzamba bwirhu.
6.Nous avons complètement accepté que Dieu enlève tous ces défauts.
Kwa kweli tumekuwa tayari ili Mungu atuondolee makosa hii yote.
Neci rhwacirheganyize oku Myamuzinda arhuku­lirha agamabi goshi.
7. Avec humilité nous avons demandé  à Dieu de faire disparaître nos défauts.
Tumemwomba Mungu kwa unyenyekevu aondoe makosa yetu.
Rhwamuhunire omubwirhonzi aru­ku­lir’amabi girhu.
8.Autrefois nous avons blessé beaucoup de personnes. Nous avons cherché    leurs noms. Nous avons accepté de leur demander pardon.
Tumefanya oroza ya watu ambao tumekosea, na tumekubali kutengeneza makosa yetu kwa yeyote.
Rhwayandisire abantu boshi rhwagosize, rhwanaci­finja oguhun’obwonjo okungasi muguma.
9.Nous avons réparé nos fautes envers ces personnes, partout où c’était possible.
Tumetengeneza bila kungojea makosa yetu na hao watu, iwezekanavyo.
Rhwahungamire buzira kulinda amabi girhu embere zaba Bantu nkokubyalihashikine.
10.Nous avons continué à regarder notre vie personnelle et notre conscience. Je vois des fautes, je les reconnais directement.
Tumeendelea kujichunguza na haraka kukubali makosa yetu tukisha kuyatambua.
Rhugendekerire okulolerez’endalala lyo rubona amabi girhu n’okugayemera.
11.Par la prière et la méditation (fikara mbele Mungu), nous avons cherché de plus en plus de relations avec Dieu. Nous lui avons de­mandé seulement de connaître sa volonté et de la faire.
Tumetafuta kwa maombi na kwa kutafakari namna nzuri kujiunga na Mungu, tukimwomba kujua mapenzi yake tu kwa ajili yetu, na kutupa nguvu ya kuitenda.
Rhwalonzize omumahuno n’omuntanya okucihira haguma na Nyamuzinda n’omurhima gucire, nkokurhwanacifin­jaga n’okumuhuna okumanya obulonza bwage bonene kulirhwe n’okurhuh’emisi y’okubukola. 
12.Quel est le résultat de ces 12 étapes ? Notre vie spirituelle s’est réveillée. Alors nous avons essayé de transmettre ce message à d’autres alcooliques et de pratiquer ces principes dans tous les domaines de notre vie.
Tukishaamka kiroho kama vile jibu kwa vipindi hivi, tumejaribu kutuma ujumbe huu kwa wagonjwa wengine wanywaji pombe, na kutimiza mafundisho haya yote katika hali zote za maisha yetu.
Omukuzuka ko murhima gwirhu nk’ishuzo ly’ezinyigirizo, rhwacihanga­nire okuyaliza ogumwanzi okubalwazi b’endwala ya mavu, n’okulama ezinigi­rizo akalamo kirhu koshi.



Thursday, May 31, 2012

CONSEILS DE MON AMI BERNARD


Conseils à un étudiant.
Je te souhaite une année de paix intérieure et de progrès spirituel surtout. Et des progrès pour comprendre toute personne, pour la respecter et pour l’aimer. Les études sont bonnes pour cela. La réflexion personnelle aussi. Enfin et par-dessus tout, la disponibilité à la grâce de Dieu, comme un panneau solaire exposé à la lumière.
Oui, la méditation régulière de la parole de Dieu, tu devrais pouvoir la vivre chaque jour, si tu te donnes des objectifs modestes. Par exemple : je m’arrête dix minutes, parce que Internet ou les syllabus risquent de m’engloutir. Je ne veux pas être avalé par les institutions, l’angoisse de réussir ou d’avancer, ou par les habitudes. Je veux être libre et libéré par le Christ.
La grande soif de la sainteté, que tu vis, est bonne, elle doit pourtant aussi se convertir : ce désir là comme les autres doit devenir Désir de Dieu, donc oubli de soi. Il est bon parfois de prononcer des prières bien précises et bien engagées. Je veux dire, par exemple, « Jésus, je te cherche. Fais que mon cœur s’intéresse à toi et non pas à moi. Que tout soit pour ta gloire, et non pas pour la mienne, ni pour ma satisfaction personnelle. » ou bien : « Jésus, dépouille-moi », ou : « Jésus, dérange-moi ».
Cela ne veut pas dire qu’il faudra se laisser déranger à toute heure par n’importe qui pour n’importe quoi. Tu as des études, et c’est ton devoir d’y travailler. Mais tu peux voir ce qui est raisonnable, ce que le Saint Esprit te montre. Et répondre raisonnablement à l’étudiant qui a besoin de ton aide. Aux étudiantes, pas souvent ! Et dans un cadre favorable au respect mutuel, pas dans une chambre ou dans un lieu solitaire. Mais je pense que je te dis des choses évidentes, que tu sais et que tu sens autant que moi. J’ai confiance.
J’ai confiance, surtout si tu te nourris du Seigneur : sa Parole et son Pain, la prière pour accueillir cette parole et cette nourriture qui te renouvelle au plus profond de toi. Et qui fait que tu auras beaucoup plus confiance en Lui, à tout moment, comme le cœur de ton cœur, ta colonne vertébrale, ton tout, le tout de ta vie. Même la confiance se
demande : « Seigneur, tu vois que je n’ai pas confiance en toi. Ou pas suffisamment. Donne à mon cœur plus de foi, plus de confiance. »
La grande soif de sainteté peut venir simplement de notre orgueil. Mais elle peut être vécue dans l’humilité et être une soif de don complet, de dépouillement pour Lui. Pour cela, il faut de la modération, de l’écoute de l’Esprit saint. Sinon Satan se rattrape par l’orgueil.
L’humilité, on la demande à Dieu. Seul Dieu peut la donner. Mais nous pouvons l’accueillir en reconnaissant à chaque instant que nous sommes petits, pécheurs et incapables. – On peut le reconnaître avec joie et confiance. – Elle peut beaucoup pour enlever notre tendance au mensonge – et d’autres défauts. Si je suis conscient d’être petit, si j’accepte de l’être, que gagnerais-je à tromper les autres ? Au contraire, eux et moi nous y gagnerons en bonnes relations. Ma vraie sécurité affective, c’est que Dieu m’aime.
Comme tu dis, ce qui t’entoure est bon, mais notre « péché de fond » nous trompe : les filles sont filles de Dieu, donc infiniment respectables. L’argent et la boisson sont instruments de relations honnêtes ou joyeuses. Donc à utiliser avec modération et raison. Et la réputation : si les autres voient que tu es capable, c’est un encouragement pour toi, mais le meilleur encouragement vient de ton ami le plus intime, Jésus.
D’où la nécessité plus pressante de garder le contact avec lui dans le silence. Du reste, une méditation par jour ne suffit pas ; c’est plutôt les élans du cœur 50 fois par jour qui nous sauvent vraiment, parce que c’est là qu’on sait et qu’on sent qu’il est toujours en nous. Tu retournes ton cœur vers Lui, tu le regardes, même une seconde, même au milieu d’une conversation ou d’un travail écrit, ou d’un cours, tu l’aimes, tu lui souris, tu lui dis : j’ai confiance en toi, ou tu ne lui dis rien. Thérèse de l’Enfant Jésus malade était recueillie, une soeur vient et lui dit : « Vous priez, qu’est-ce que vous lui dites ? » Elle répond : « Je ne lui dis rien, je l’aime ».
Tu as un ami qui est chrétien et vraiment spirituel. Il est là, non pour que tu envies sa vie spirituelle, mais pour que cela t’aide. Vous vous aidez mutuellement. Sois sûr qu’en te rencontrant, il est encouragé.
Je reste très uni à toi dans une prière fervente. Prie pour moi aussi, s’il te plaît

Wednesday, May 30, 2012

A TOUS MES AMIS CHRETIENS VENEZ A LA FETE



Retraite par Jean Vanier, 25 novembre 1979
1e conférence - Eglise Sainte-Marthe (Canada) 

Je crois que, comme vous tous, j’arrive avec mes fatigues, j’arrive avec mes responsabilités, j’arrive avec mes soucis ; et nous allons passer une semaine ensemble, où on ne désire qu’une chose, c’est d’écouter Jésus. Je crois que c’est la 11e ou 12 e année que je prêche des retraites, et je vous avoue que chaque année que je prêche une retraite nouvelle, ce n’est pas plus facile. Je dirais au contraire : plus j’avance en âge, plus je trouve difficile d’annoncer la Parole... D’abord parce que je mesure tout le décalage entre la parole de Jésus qu’on est appelé à annoncer et ce que je vis. C’est pour vous demander qu’au début de cette retraite, vous soyez bien attentifs à prier. Priez pour moi, pour que je puisse faire l’oeuvre que Jésus désire, que sa Parole soit annoncée, que ce ne soit pas ma parole mais la sienne. Je n’ai pas besoin de vous dire aussi que la parole que j’annonce, que je voudrais être seulement l’Evangile, c’est-à-dire l’annonce d’une bonne nouvelle, et l’écoute que vous êtes appelés à avoir de ma parole, n’ont de raison d’être que si elles vous amènent à écouter Jésus dans le silence de votre être. Ma parole n’a de raison d’être que si elle amène à la Parole secrète de Jésus dans nos coeurs. La promesse de Jésus, c’est qu’il nous a donné à chacun son Esprit. La promesse de Jésus, c’est que son Père et Lui viennent vivre à l’intérieur de nous ; et ma parole doit vous conduire au silence, pour que vous preniez beaucoup de soin à écouter Jésus dans ce qu’il a à dire.
Une retraite est un temps important et ce qui se réalise est l’oeuvre de Dieu. C’est pourquoi il faut que nous priions pour que cette oeuvre de Dieu se réalise. Mais une retraite est aussi un temps qui peut être angoissant. Parce que Jésus est exigeant. Pour nous , nous touchons à la fois la patience extraordinaire de Jésus, mais aussi son impatience. Et c’est vrai que Jésus est le grand silencieux. Il est celui qui attend. Mais en même temps il a un tel désir que nous répondions davantage au don de Dieu, et que nous devenions des disciples de Jésus avec des coeurs véritablement disponibles et aimants.
Il y avait un prêtre aux Etats-Unis qui, à la fin de la messe, disait : « Que la paix de Jésus vous dérange toujours ». Et c’est vrai que Jésus est le grand dérangeur. Et la plupart du temps nous tendons à l’éviter, à ne pas le regarder les yeux dans les yeux. Nous avons tendance à tomber dans des routines, des habitudes, des choses déjà faites. Nous cherchons tous à être plus ou moins maîtres d’une situation. Et Jésus, avec ses exigences, nous appelle constamment à lâcher, à nous abandonner et à être des vaincus.
Alors il ne faut pas s’étonner si une retraite est un peu un temps d’angoisse. Angoisse parce que nous touchons nos fragilités. Une retraite est un temps où on découvre, on redécouvre notre pauvreté ; notre médiocrité, parce que nous sommes des êtres terriblement médiocres. Nous oublions que nous sommes plus du ciel et plus de la terre que nous n’osions le croire. Il y a des puissances de haine en nous, comme il y a des puissances extraordinaires de sainteté et d’amour. Mais nous avons peur de ces puissances et nous nous enfermons dans un monde très médiocre. Et nous avons peur, et nous tombons dans les routines et les habitudes que nous connaissons.
Et Jésus vient briser notre médiocrité, durant une retraite, en nous appelant toujours plus loin. Nous aurons sûrement l’occasion de rappeler les trois paroles de Jésus : « Viens ! » – « Demeure ! » (reste avec moi) – et « Va ! » (rends-moi présent). Et chaque fois que nous entendons cette petite parole de Jésus, cette invitation – qui est l’invitation d’un pauvre, parce que Jésus n’impose pas, il propose ; et quand on propose, on est toujours un pauvre, on n’oblige pas... – quand on entend cette parole : « Viens ! », c’est toujours pour que nous allions plus loin, que nous quittions la prison de la médiocrité dans laquelle si vite on s’enferme. Et c’est à ce moment-là, en découvrant notre médiocrité, en découvrant les ténèbres, en découvrant tout ce monde à l’intérieur de nous, que nosu pouvons avoir ces moments d’angoisse et d’inquiétude.
Les deux pôles d’une retraite, c’est à la fois de se remémorer, se rappeler l’extraordianire promesse de Jésus – Jésus fait des promesses étonnantes – quand il regarde ses disciples et qu’il leur dit : « Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde », les apôtres devaient se dire entre eux : « Eh bien, la terre ne doit pas être très éclairée ! » Mais Jésus nous redit : « Vous êtes la lumière du monde ! »Notre problème, c’est que nous ne le réalisons pas. Alors on fuit à l’intérieur de soi-même, dans les profondeurs de notre être, on veut couvrir de peur et de médiocrité cette lumière qui brille.
Et Jésus vient nous rappeler la promesse : « Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde. Vous avez reçu l’Esprit ». Il vient nous rappeler que, avec sa puissance, rien n’est impossible. Et nous sommes dans un monde où le désespoir gagne ; nous sommes dans un monde d’insécurités énormes. Et Jésus vient nous rappeler sa promesse.
Et la grande parole de la promesse de Jésus, c’est : « Ne crains pas ! N’aie pas peur ! Je suis avec toi ! »
Alors une retraite, c’est ce temps où on se rappelle, où on ravive la foi, où on reprend confiance dans cette promesse de Jésus-Christ. Je vosu disais que cette promesse de Jésus-Christ, ce rappel vient certainement à travers ce que je suis appelé à vous dire. Mais elle viendra surtout à travers la présence de Jésus dans chacun de nos coeurs. Parce que Jésus veut nous parler, il veut nous rappeler qu’il est là présent au plus profond de nous. Et qu’il s’agit d’entrer à l’intérieur de soi et de l’écouter.
Un de nos problèmes, dans notre vie quotidienne, c’est qu’on ne reconnaît pas Jésus-Christ. On est tous comme les disciples d’Emmaüs qui marchaient sur la route, et Jésus était avec eux, il leur annonçait la Parole. Il leur annonçait la clef de l’Ecriture. Leurs coeurs mêmes brûlaient. Mais ils ne l’ont pas reconnu.
Et même Marie de Magdala, après la Résurrection. Quand elle regarde ce jardinier, elle ne le reconnaît pas. Elle et les deux disciples d’Emmaüs étaient trop pris par leurs propres larmes, trop pris par leurs propres inquiétudes, trop pris par leurs soucis, trop pris par leurs désirs, pour le reconnaître.
Et Jésus nous demande, en venant dans une retraite, de nous débarrasser de beaucoup de choses. Et si on ne se débarrasse pas de beaucoup de choses, on ne le reconnaîtra pas.
Et puis aussi – cela va sans dire – Je vous fais appel pour le silence. On est nombreux. Et quand on est nombreux, on risque toujours de trouver des moments où l’on « sombre » dans la parole. Et je n’ai pas besoin de vous dire que Jésus nous parle dans le silence. Il est indispensable, si nous voulons retrouver les puissances de vie et d’amour, la force de l’Esprit-Saint, qui sont à l’intérieur de chacun de nous, que nous ayons une âme de silence. Sinon, tu ne le reconnaîtras pas !
Et c’est vrai qu’à notre époque, il y a toujours une tendance à fuir le silence. Nous sommes tous des êtres qui ont tendance à se complaire dans le bruit et dans l’hyperactivité. Nous sommes dans un monde d’hyperactivité, un monde de bruit, et nous avons peur de nosu recueillir, d’entrer dans le silence. Peur qu’en entrant dans le silence nous nous retrouvions nous-mêmes avec toutes nos limites, avec toutes nos vulnérabilités, avec toutes nos peurs. Mais si nous acceptons d’entrer à l’intérieur de nosu-mêmes, si nosu acceptons d’entrer dans nos vulnérabilités, nos blessures, nosu découvrirons aussi la présence de Jésus-Christ.
Et une retraite où on est nombreux demande que nosu ayons de bons moments de silence. Et heureusement, il y a ces (... ?...), ces lieux de rencontre, ces lieux de silence. Et là je vous fais un appel. A chacun : « Profites-en, prends du temps, prends du temps pour le silence. Prends du temsp pour entrer à l’intérieur de toi-même, pour regarder ce visage de Jésus et pour l’écouter.
Si nous savions le don de Dieu – C’est Jésus qui dit cela à la femme de Samarie : « Si tu savais le don de Dieu et celui qui te parle, ce serait plutôt toi qui lui demanderais à boire, et il te donnerait de l’eau vive ». Si nous savions ! Si nous savions ce don extraordinaire que Jésus nous fait, cette présence de Dieu à l’intérieur de nous... Ce que Jésus veut de nous, c’est que nous reprenions confiance en nous-mêmes. Reprendre confiance en cet amour de Jésus qui est vivant à l’intérieur de nous. Reprendre confiance en cette force qui est là, dans ce don de l’Esprit, dans cette lumière à l’intérieur de nous, dans ce visage de Jésus caché à l’intérieur de nous. Il nous demande de reprendre cette confiance, d’entrer à l’intérieur de nous-mêmes, de redécouvrir l’appel et surtout de redécouvrir sa voix. Sa voix qui dit à chacun de nous : « Ne crains pas, je suis avec toi ! »
Il y a la parole extraordinaire d’Isaïe 43 : «  Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom et tu es à moi. Si tu passes par les eaux, tu ne seras pas submergé, si tu passes par le feu, tu ne seras pas brûlé, car je suis le saint d’Israël. Tu es précieux à mes yeux, et je t’aime. Ne crains pas, car je suis avec toi ».
Et quand on découvre ce don, cette grâce, ce cadeau : « c’est vrai que  Jésus est avec moi », à ce moment-là ,l’impossible devient possible, l’ennemi que je n’aime pas, la personne avec qui je suis bloqué, les choses que je trouve difficiles, les impatiences, les colères, ..ces lassitudes, ce manque d’enthousiasme et de flamme ces manques de confiance, ces dépressions ,ces tristesses, tout cela tombe, parce qu’on reprend confiance dans ces paroles de Jésus : « Ne crains pas ! » « Je suis avec toi. »
Une retraite, c’est le temps où on reprend conscience de cet appel initial : il y a eu des moments dans chacune de nos vies, où nos cœurs brûlaient...Il s’agit, pour chacun de nous, dans cette retraite, de retrouver ce premier amour, de retrouver cet appel de Jésus qui nous dit : « Viens ! »J’ai besoin de toi, je t’aime. » Que nous découvrions cette vocation extraordinaire qui est la nôtre, qui est de rendre Jésus présent à notre monde, de le représenter ; c’est cela le don de Jésus ; c’est qu’il demande à chacun de nous de le rendre présent, de le représenter. Comme Jésus rend présent le Père, et pour que le monde sache, connaisse le visage de pardon du Père, il fallait qu’il regarde le visage du pardon de Jésus. C’est en regardant le visage  et les yeux  de Jésus que nous découvrons le visage et les yeux du Père.
C’est pourquoi, à la demande de Philippe,quand Philippe demande à Jésus : « Montre-nous le Père, et cela nous suffit ! » Jésus dit : « Ne sais-tu pas encore que celui qui me voit, voit le Père. »
Et comme Jésus rend présent le Père, nous les disciples de Jésus, nous rendons présent Jésus. C’est çà notre don. Notre rôle et notre vocation. C’est de rendre Jésus présent à notre monde.
Et nous devrions pouvoir dire à ce monde en quête de salut, à ce monde qui ne connaît pas Jésus...nous devrions être,chacun de nous , ce visage de pardon, ce visage d’espérance, qui rend présent le visage de pardon et le visage d’espérance de Jésus.C’est cela notre vocation. C’est pourquoi Jésus dit que c’est lui la lumière  du monde, et nous aussi nous sommes la lumière du monde.(...) Comment le monde peut-il connaître Jésus, si nous qui sommes ses disciple, nous ne le rendons pas présent ?
C’est pour cela que Jésus dit à ses disciples peu de temps avant sa mort : « On saura que vous êtes mes disciples par l’amour que vous avez les uns pour les autres. » C’est la tendresse, la fidélité que vous avez  les uns pour les autres, qui fait que le monde saura que vous êtes véritablement les disciples du Ressuscité.
Quand les Israélites sont sortis  du pays d’Egypte, ce pays d’esclavage, ce pays de l’oppression, quand ils se sont retrouvés dans le désert, ils murmuraient contre le prophète. Et Dieu a envoyé le pain quotidien. A un peuple qui avait faim, le Père a envoyé du ciel la manne, le pain quotidien. Aux peuple aujourd’hui qui ont faim, Dieu n’enverra pas du ciel le pain, mais il demandera à ceux qui le rendent présent d’utiliser leurs intelligences et leurs coeurs et d’oeuvrer pour la justice et la vérité dans le monde.
Jésus inspirera ses disciples pour qu’ils oeuvrent pour la justice : quand aujourd’hui des gens sont enfermés dans des asiles, Jésus ne va pas ouvrir les portes et dire : « Sortez ! ». Non, il va inspirer ses disciples pour qu’ils le rendent présent, pour qu’ils accueillent les pauvres et ceux qui sont dans le besoin, dans leurs propres maisons, des maisons créées pour eux.
C’est vrai que notre monde crie de désespoir. Il y a un vaste monde de pauvres sur notre terre. Et Jésus ne peut répondre à leur appel qu’à travers nos yeux, nos mains, nos intelligences, nos coeurs. Si Jésus est le plus grand dérangeur, si la parole de Jésus qui dit « Viens et suis-moi », nous dérange dans nos habitudes et nos peurs, de la même façon, l’appel du pauvre, du Tiers-monde ou de nos pays, dans notre ville, dans notre famille, notre communauté, notre lieu de travail, celui qui n’arrive pas à se débrouiller tout seul, qui se sent brisé, ou qui se sent dans le désespoir, qui ne s’en sort pas ...Cette parole du pauvre qui dit : « Viens », ça nous dérange ! Et ce n’est que nos mains, nos yeux, notre intelligence et notre coeur qui rende présent Jésus-Christ à ce pauvre qui crie.
Un temps de retraite,  c’est un temps où on se souvient de cette vocation qui est la nôtre : rendre Jésus-Christ présent. Et si aujourd’hui notre monde ne connaît pas l’extraordinaire bonne nouvelle , cette espérance extraordinaire qu’il vient nous apporter, cette espérance de paix sur notre terre, surtout la paix dans les coeurs, ce que nous ses disciples, nous ne l’avons pas rendu présent. Nos yeux  n’étaient pas les yeux de Jésus, nos mains n’étaient pas les mains de Jésus, notre intelligence n’était pas l’intelligence de Jésus, et notre coeur n’était pas le coeur de Jésus. Jésus nous demande de  redécouvrir cette vocation première qui est la nôtre, de la rendre présent à notre monde.
Et nous découvrons si vite les ténèbres de médiocrité qui sont en nous. Ces peurs, ces craintes, ces lassitudes, cette recherche de sécurité et de confort, , ce besoin de maîtriser et de contrôler ma propre vie  et la vie des  autres. Jésus, durant cette retraite, nous demandera de pénétrer à l’intérieur de nous. Et c’est un voyage qui parfois est douloureux : regarder l’hypocrisie et pénétrer dans les ténèbres qui sont à l’intérieur de chacun de nous.
On ne peut faire ce voyage  à l’intérieur que si nous mettons notre main dans la main de Jésus, que si nous mettons notre main dans la promesse de Jésus, dans cette espérance  que notre appel, c’est de le rendre présent. Et son appel, c’est qu’il  nous ressuscite, qu’il nous fait pénétrer à travers les ténèbres pour découvrir sa présence. Quand on touche nos ténèbres, notre hypocrisie, alors nous crions vers lui. Et nous disons : « Viens, Seigneur  Jésus, viens. » Viens changer  mon coeur  de pierre,  donne-moi un coeur de chair. Apprends-moi à aimer.  Fais que je  puisse véritablement te rendre présent à mes frères.
Jésus est venu dans un monde de haine, de guerre et d’oppression. Il est venu pour annoncer une bonne nouvelle. Il est venu pour apporter la liberté aux opprimés, la vue aux aveugles, la liberté aux captifs, et annoncer une année favorable du Seigneur. Et il nous appelle à être chacun de nous cette présence de Jésus, ces homes et ces femmes qui apportent la paix sur la terre, ce visage de paix et de réconciliation. C’est notre vocation (...)
Voyage extraordinaire à l’intérieur de nous-mêmes (ces 5 jours de retraite), pour que nous découvrions notre pauvreté, le visage de pardon et la promesse, cette promesse du don de l’Esprit, cette promesse de nous transformer, pour que nous puissions être ce visage de pardon et de miséricorde pour nos frères, que chacun de nous devienne cet homme et cette femme de paix, dans le monde, dans sa famille, dans son milieu de travail. Un instrument de paix.
Ce que Jésus nous demande ce soir, devant cette aventure où il va nous conduire, c’est d’avoir le coeur disponible. Et c’est tout ! Si chacun de nous ce soir peut avoir le coeur de Marie, quand elle a dit : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ». Si notre coeur est un coeur ouvert, si notre coeur vulnérable – parce que nous sommes si terriblement vulnérables... Si vite on a peur, si vite hélas on a peur même de Jésus – si nous pouvons ouvrir ce coeur, pour que l’Esprit saint puisse venir, pour qu’il puisse conduire pendant ces cinq jours, pour qu’il puisse accomplir son oeuvre de purification, pour qu’il puisse nous montrer tous ces coins et recoins qui sont loin d’être convertis, pour qu’il puisse nous montrer toutes ces choses en nous qui empêchent l’action de Dieu de passer, et ce qui nous empêche de le rendre présent, tout ce qui est scandale en nous... Vous savez que chacun de nous, nous avons beaucoup à demander pardon à nos frères et à nos soeurs qui ne croient pas en Jésus-Christ, parce que tant de fois nous avons été objet de scandale, par nos duretés, par nos hypocrisies, par des attitudes dures, par nos manques de vérité, par nos lassitudes, par nos manques de confiance... Nous avons été objet de scandale. Parce que, tout en se disant disciples de Jésus, nous n’avons pas été le visage de Jésus. Nous avons été des êtres qui condamnaient, qui jugeaient, nous n’avons pas été le visage de miséricorde que Jésus voulait que nous soyons. Nous avons beaucoup à demander pardon.
Et ce soir, tout ce que Jésus nous demande, c’est d’avoir ce coeur disponible. Ces paroles de Marie, dans cet état de disponibilité par rapport à Jésus-Christ, par rapport à l’Esprit saint : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ». Et les paroles du petit Samuel, le prophète, quand il entendait son nom : « Samuel ! Samuel ! » – « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ! »... Si nous pouvions avoir cette disponibilité : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ! »
« Me voici... »


Jean Vanier – 2e conférence : Notre vulnérabilité

Le thème de la retraite est « Venons à la fête ». Voir cette phrase extraordinaire de l’évangile : « Conviez-les aux noces ». Conviez les pauvres aux noces. C’est ça, le « Viens ! » de Jésus. C’est d’appeler nos coeurs aux noces. Malheureusement, le visage qu’on a donné des disciples de Jésus, c’est parfois le visage de la Loi, du jugement. Nos visages n’étaient pas des visages qui conviaient les pauvres aux noces.
Alors, ce « Viens à la fête ! Conviez-les aux noces ! », c’est convier les personnes à une rencontre entre nous, où il y a la paix. La paix n’est pas l’absence de la guerre. La paix, c’est la communion. C’est la rencontre entre les personnes, avec les barrières qui tombent. Qu’on puisse se regarder les yeux les uns des autres. Qu’on reconnaisse l’autre comme frère ou comme soeur. Qu’on soit là pour partager et pour donner. Pour être chacun de nous le visage de Jésus l’un pour l’autre.
Jésus est venu dans une terre de guerre. La terre où Jésus est venu il y a 2000 ans, il y avait des oppositions tellement flagrantes, la haine était si vive. Cette terre est toujours une terre de guerre.
Si chacun de nous entre à l’intérieur de soi-même, il découvre les peurs et la guerre qui est en chacun de nous.
Alors je voudrais vous parler des origines de la guerre. C’est notre vulnérabilité. Il faudrait partager là-dessus pour que nous puissions toucher notre vulnérabilité. Il y a quelques années, j’ai été dans une prison, dans l’Ontario, à Kingston, à Milheaven, qui est une prison maxima-sécurité, et j’adressais la parole à environ 400 hommes, dans un gymnase. Quand j’ai l’occasion de parler à des hommes en prison, je leur parle d’hommes et de femmes blessés qui ont eu des moments de violence. Et je retrace devant leurs yeux leur propre histoire.
Après avoir parlé pendant trois quarts d’heure, un homme dans l’auditoire s’est levé et il a commencé à hurler... Et malgré les 8 ans de marine que j’ai eus, il y avait beaucoup de mots que je ne comprenais pas : il avait un langage très vif. Et il disait un peu ceci... Je ne peux pas me rappeler mot à mot, mais ce qu’il m’a dit m’a profondément impressionné. Il m’a dit ceci : « De quel droit entrez-vous dans cette prison ? Vous l’avez eu facile ! – Toujours cette phrase : « Vous l’avez eu facile ! » « Tu l’as eu facile ! Tu ne comprends rien à notre vie ! » Et puis il a commencé à dévoiler sa vie : « A l’âge de 4-5 ans, j’ai vu ma mère violée devant mes yeux. A l’âge de 7 ans, j’ai été vendu en homosexualité pour que mon père puisse boire. A l’âge de 13 ans, les hommes en bleu sont venus me chercher (les policiers) ». Et puis il a terminé : « Si un autre homme entre dans cette prison et parle de l’amour, je lui donnerai des coups de pieds dans la tête ».
Le cri de violence qui sortait de lui, vous pouvez l’imaginer, a donné une ambiance électrique. Les gardiens... Toute l’ambiance était une ambiance d’inquiétude, parce que c’était un homme d’une très grande puissance. En l’entendant, je lui ai dit simplement : « Oui, tu as raison, je l’ai eu facile. Et je n’ai aucun droit de venir ici parler de l’amour. Mais il reste qu’il est important que les gens à l’extérieur de la prison connaissent vos souffrances. Parce que si vite, les gens à l’extérieur jugent, condamnent et ne comprennent pas le processus de la violence ». Je lui ai dit simplement : « Est-ce que vous me permettrez, quand je suis devant des auditoires divers, de raconter ce que vous venez de dire ? de répéter à des gens pour qu’ils comprennent mieux ce qui se vit chez vous ? » Et il m’a dit : « Oui ».
Et j’ai dit : « Je n’ai aucun droit de venir ici. Mais je peux peut-être être un pont entre vous autres, avec la puissance de vos souffrances, et ce monde extérieur. Et si le monde extérieur a besoin d’entendre la puissance de vos souffrances, pour qu’il ne vous juge pas, il est important aussi que vous, vous connaissiez certaines choses du monde extérieur. Et ce n’est peut-être pas inutile que de temps en temps je revienne. Mais je ne reviendrai que dans la mesure où vous le souhaitez. Et je l’ai regardé, et je lui ai dit : « Est-ce que tu souhaites que je revienne ? » Il a dit oui.
Après cela, il y a eu d’autres interventions, et quand tout a été fini, je suis allé directement chez lui, lui serrer la main, et je lui ai dit : « Dis-moi, est-ce que tu es marié ? » Il m’a dit oui. Je lui ai dit : « Parle-moi de ta femme ». Alors ses yeux se sont remplis de larmes, et il m’a parlé de sa femme qui était en chaise roulante à Montréal. Cet homme qui avait une grande puissance de colère, de capacité de semer la haine et la révolution, en réalité, c’était un petit enfant blessé. C’était un homme qui aimait sa femme. C’était quelqu’un qui souffrait.
Quand vous lisez dans les journaux que, dans une prison, il y a eu des révoltes, des otages pris, très souvent, à l’origine de cette révolution, c’est un homme qui vient d’apprendre que sa femme l’a trompé ; et il est dans l’angoisse. Et quand vous découvrez à l’intérieur des hommes très violents, en réalité ce sont des hommes qui sont profondément blessés dans leur coeur.
L’expérience que j’ai – une petite expérience – de la violence... Dans nos communautés, nous accueillons des hommes qui ont eu de longues années en hôpital psychiatrique, dont l’image d’eux-mêmes a été profondément meurtrie, qui ont entendu constamment qu’ils ne servaient à rien, qu’ils ne faisaient que de la peine à leur entourage et à leur famille... Dans leur coeur, il y a de telles frustrations, de telles colères, qui cachent une telle vulnérabilité... Il y avait un prisonnier en France, qui avait écrit une poésie, qui était un peu comme ceci... C’était un homme qui était entré tôt dans la délinquance, un homme qui avait été marqué par le rejet de ses parents, et donc en quête d’un être humain fidèle. Il a écrit une poésie qui était un peu comme ceci : « Si un jour je marche dans la rue et que tu tends la main vers moi, si je prends ta main, si en approchant tu découvres qui je suis et que tu me laisse tomber, ne sois pas surpris si, un autre jour, quelqu’un me tend la main dans la rue et que je morde cette main ».
Vous savez, le coeur humain est tellement vulnérable ! tellement vulnérable ! Le coeur du petit enfant est tellement vulnérable ! Le coeur de l’enfant qui n’a pas eu l’amour et les soins d’une mère est tellement vulnérable ! Quand vous rencontrez parfois des hommes très violents, ou quand vous rencontrez parfois de grands malades mentaux, sachez que ce sont des coeurs très vulnérables qui sont là.
De la même façon, quand vous voyez des hommes hyper-actifs, chefs d’une usine, qui passent toute la journée à courir, à faire, à brasser des affaires, sachez que, derrière cette hyper-activité, il y a un coeur blessé : il ne sait pas s’arrêter, il a perdu contact avec sa femme, il ne sait pas comment faire. Il ne sait pas comment retrouver cette relation aimante avec sa femme, qu’il avait quand il était petit.
Quand vous voyez l’homme alcoolique, qui bat sa femme, qui est difficile à l’intérieur de sa famille, sachez que, derrière cet homme qui boit trop, qui est peut-être violent, il y a un coeur vulnérable et angoissé, qui ne sait pas comment faire ; et qui se jette dans la boisson pour oublier.
De la même façon, quand vous voyez un jeune pris dans la drogue, qui a pris du LSD, ou n’importe quoi..., sachez qu’il y a là un coeur vulnérable, qui s’est senti, à tort ou à raison, rejeté, non-confirmé, qui s’est trouvé devant des situations humaines qui étaient trop difficiles pour lui, qui a senti ses incapacités à faire face à des problèmes, et qui finalement a perdu goût à la vie. Et il s’est jeté dans un  monde de compensations.
Quand vous entendez parler de terroristes. – Et je pense aux Palestiniens – Sachez que là où il y a du terrorisme, il y a toujours des coeurs blessés, vulnérables, qui se sont sentis opprimés, non écoutés, non aimés, n’ayant aucune valeur pour les autres.
Je dirais que toutes les oppressions du monde... Que ce soit l’oppression de l’enfant, l’enfant qu’on (?)  , l’enfant qui n’est pas touché avec tendresse, l’enfant à qui on dit tout le temps : « Ne fais pas ceci, ne fais pas cela ! », l’enfant qui ne reçoit pas de la tendresse... Derrière ses larmes, derrière ses cris, derrière ses jouets cassés, il y a un coeur vulnérable. Les divisions de notre monde, quelles que soient ces divisions, politiques, entre classes sociales, entre les religions, divisions de races ou divisions linguistiques, ces divisions qui amènent la haine... Haine morale ou haine psychologique (la haine psychologique étant tout simplement le refus de parler, le refus d’écouter), toujours, quand on dresse des barrières en face des autres, quand on les condamne, toujours l’origine, c’est ma vulnérabilité et leur vulnérabilité.
Vous savez, être vulnérable, c’est se sentir blessé, parce que je ne suis pas apprécié, parce que je ne suis pas aimé. Une femme qui aime un homme, et cet homme la trompe, le coeur de cette femme est blessé. Une mère qui aime son enfant, et l’enfant lui tourne le dos, le coeur de cette femme est blessé. Un homme qui travaille en usine, et on ne l’écoute pas, on ne l’apprécie pas, on l’exploite, on se moque de lui, le coeur de cet homme est blessé.
Chacun de nous, si on pénètre à l’intérieur, nous apprenons les zones secrètes de notre vulnérabilité. Il y a des quêtes énormes en chacun de nous. Quêtes d’abord d’être aimé : c’est quelque chose de terriblement vulnérable. Et si nous ne sommes pas aimés, nous cherchons au moins à être admirés. Malheureusement, beaucoup d’entre nous, nous sommes obligés de fermer nos coeurs à l’amour, parce qu’on ne reçoit pas, ou on ne sait pas comment faire. Alors on se tourne vers l’admiration et la puissance. Et si on ne reçoit pas l’affection profonde dont on a besoin pour vivre... Et l’affection, c’est une qualité d’écoute : quelqu’un qui me comprend. On voit vite ce qui est sur le visage de quelqu’un, on voit ses mains, on entend ses paroles. Mais chacun de nous, nous portons à l’intérieur de nous un monde secret, le monde secret de notre coeur, le monde secret de nos émotions. On peut deviner quelquefois ce secret : quand on voit que quelqu’un est dominateur, quand quelqu’un refuse d’écouter, quand quelqu’un dresse des barrières, quand quelqu’un est acariâtre, quand quelqu’un se cache derrière des livres et derrière la loi, quand quelqu’un est incapable de regarder dans les yeux, on devine un peu cette blessure qui est là. Que cette personne a été blessée et qu’elle n’ose pas entamer une relation avec une autre personne.
Nous avons chacun de nous ces zones secrètes de vulnérabilité, qu’on cache. Le prisonnier dont je parlais tout à l’heure, celui qui voulait mordre la main de celui dont il a peur... Nous avons tous cette peur : si quelqu’un s’approche trop de moi et découvre qui je suis, finalement il ne m’aimera plus. C’est pour cela, il faut que nous dressions des barrières, il faut que nous ayons des apparences. Parce que j’ai peur que les gens ne m’apprécient plus. Il faut que j’ai une apparence d’intelligence, une apparence de force, une apparence parfois d’amabilité. Mais je ne veux pas que les gens découvrent qui je suis dans mon secret, parce que, s’ils me voient dans le monde des ténèbres, dans la capacité de dépression, dans mes peurs terribles des gens, à ce moment-là ils ne voudront plus de moi. Et c’est cela la grande crainte, peur de chaque être humain. Se trouver seul avec ses propres limites et sa propre pauvreté. Si vous voulez, c’est la mort spirituelle.
Jésus est venu dans un monde terriblement divisé. Il faut saisir ce que pouvait être le coeur d’un Juif du temps de Jésus, et la haine du peuple juif pour le peuple romain. Le peuple romain avait vaincu, dominé ce petit peuple juif. Nous avons lu ces jours-ci ces paroles de Pilate par rapport à Jésus : Pilate méprisait les Juifs ; Pilate faisait partie d’un monde  de puissance, il était romain, le représentant de l’empereur, et ce petit peuple juif, c’était pour lui des  fanatiques, qui n’avaient aucune compréhension des choses réelles. Les Romains méprisaient le  peuple juif, comme très souvent les peuples blancs peuvent mépriser le peuple noir.
J’ai entendu de mes oreilles une phrase comme celle-ci : «  Je suis allé en Inde, je ne retournerai plus ; j’ai vu des gens mourir dans la rue ; c’est horrible, je ne retournerai jamais. «  Il faut voir ce qu’est la puissance du mépris dans une phrase pareille . Au lieu de dire : « Je vais retourner, j’ai vu des gens  souffrir. « On dit :  «  J’ai vu des gens souffrir, je ne retournerai jamais. «  La puissance du mépris qui se trouve dans le coeur de tant de femmes et d’hommes blancs, qui se rattache à toute une culture, à toute une éducation, et qui est malheureusement presque inséré dans notre sang.
Pour ceux d’entre vous qui connaissent des pays comme l’Afrique ... Aujourd’hui où en principe les peuples sont libérés, – je pense à la Côte d’Ivoire, à la Haute-Volta ou d’autres pays, quand on voit les Blancs qui sont là, avec le mépris du peuple Noir... C’est le même type de mépris qui était chez les Romains pour le petit peuple juif.
Alors dans ce peuple juif, il y avait de la haine, une puissance de haine : pour comprendre le temps de Jésus, peut-être qu’il faudrait comprendre certains pays qui ont été vaincus et qui souffrent de cette forme d’oppression. Ce petit peuple : il y avait les  zélotes, qui ne désiraient qu’une chose, c’est de mettre les Romains à la porte.  Il y avait une puissance de haine : il faut se souvenir de ces situations épouvantables ,où les enfants ont été tués en   bas-âge, peu de temps après la naissance de Jésus,...où les autorités se servaient de la puissance romaine pour tuer des enfants : çà, çà ne s’oublie pas ! Il y avait de la haine qui était là . Un petit peuple méprisé.
Et dans le coeur de ce petit peuple, non seulement la haine devant celui qui les opprimait, mais aussi un mépris total des Romains. Parce que les Romains étaient des brutes. Le Juif au contraire a le sentiment d’être l’élu de Dieu. D’être supérieur. Alors il y avait de la haine, il y avait aussi du mépris. Division profonde.
S’il y avait de la prostitution au temps de Jésus : Marie de Magdala et d’autres femmes, c’est qu’il y avait des troupes étrangères. Vous savez, quand il y a des troupes étrangères dans un pays, il y a nécessairement de la prostitution. Parce que l’homme n’est pas fait pour se battre. Le coeur de l’homme est tell qu’il ne peut pas se battre constamment. L’homme a besoin de l’affection, il a besoin d’un milieu qui soit sécurisant et aimant. Il a besoin de la tendresse. S’il ne la trouve pas, il faut qu’il s’achète. Il ne sait pas vivre uniquement dans un état de guerre. Ce n’est pas possible. L’ être humain, dans le monde de la guerre, se détruit. C’est pour cela qu’il y avait de la prostitution.
C’est parce qu’il y avait des troupes américaines au Viêt-Nam, il y a  quelques années, qu’il y avait une recrudescence de la prostitution à Saïgon. On ne peut pas s’attendre à ce que des troupes, des jeunes Américains, à 20 000 kilomètres de chez eux, puissent vivre entre hommes et faire la guerre, sans jamais avoir un moment de détente dans ce qui est de plus profond. Même s’ils doivent l’acheter. C’est cela qui est bouleversant dans l’être humain : la pauvreté de l’être humain. Et en même temps peut-être sa beauté : il a  besoin d’être. Il a besoin de la tendresse.
La prostitution chez une  Marie  de Magdala, ou d’autres, vient précisément de cette présence des troupes romaines. Il y avait de la haine sur cette terre. Il y avait des divisions fondamentales, telles que les divisions entre les Juifs et les Samaritains. Ce n’était pas du tout le temps de l’oecuménisme.Un Juif ne parlait pas à un Samaritain. Les Samaritains étaient des gens qu’on dédaignait, qui n’avaient aucune valeur, qui étaient exclus du peuple de Dieu. Et si Jésus prenait constamment des exemples chez les Samaritains, c’est qu’il y avait une raison. Et la raison était précisément ce mépris des Juifs pour les Samaritaines. La Parabole du Bon Samaritain est une parabole terriblement puissante, parce que Jésus prend justement l’exemple de celui qui est dans la vision de Dieu sans être du Peuple de Dieu (le Juif). Il le prend chez les Samaritains. Tout le monde « savait » que ce peuple était sans valeur aux yeux de Dieu. C’est pourquoi la parabole du Bon Samaritain était d’une puissance pour ceux qui l’entendaient ! Particulièrement le fait que Jésus compare le Samaritain avec le prêtre et le lévite.
Quand Jésus parle à la femme de Samarie, c’est une rencontre extraordinaire. Une femme de Samarie ; la plus pauvre de toutes les pauvres. Pauvre parce que méprisée chez les Samaritains à cause de ses moeurs. Méprisée par les Juifs. Et c’est à elle, la pauvre des pauvres, la plus méprisée de toutes, que Jésus dit... Quand elle dit : « Je sais que, quand le Messie viendra, ilnous dira toutes ces choses », Jésus la regarda et lui dit : « C’est moi ». C’est extraordinaire. Il n’y a qu’elle ! Ce n’est qu’à la pauvre des pauvres ! Ce n’est qu’à la plus méprisée ! La femme pauvre dans sa vie affective, méprisée chez les Samaritains, et méprisée surtout par les Juifs... Et Jésus la regarde et lui dit : « C’est moi, qui te parle ». C’est la seule à qui Jésus se révèle. parce que finalement il ne se révèle qu’aux plus pauvres. Et il ne se révèle à nous que dans la mesure où nous acceptons notre vulnérabilité et notre pauvreté.
La division entre les riches et les pauvres. Les paraboles que Jésus utilise, comme celle de cet homme riche qui vivait en face de Lazare, cet homme couvert d’ulcères... Les chiens venaient lécher ses blessures. Et l’homme riche faisait la fête. Les chiens mangeaient les miettes qui tombaient de sa table, et Lazare aurait voulu manger un peu de ces miettes. IL y avait comme un mur de division entre cet homme qui faisait la fête et Lazare. Ces situations, que sûrement Jésus a vues – sinon il ne l’aurait pas dit – existent aujourd’hui. Les murs immenses qui se dressent entre ceux qui possèdent et ceux qui n’ont rien. Je n’ai pas besoin de dire, parce qu’on connaît peut-être suffisamment, intellectuellement : les chiffres avec quoi on vit, d’une part en Afrique, d’autre part dans nos pays ; entre les pays riches et les pays pauvres... Le décalage est tellement immense que c’est encore plus flagrant que l’exemple que Jésus a donné. Mais nous ne voulons pas regarder !
L’homme riche ne peut pas regarder Lazare, parce que, s’il regarde Lazare, il sera obligé de changer. Il sera obligé ! Il ne pourrait pas maintenir son standing de vie et avoir un contact de coeur avec cet homme. C’est pour cela qu’il doit garder une distance, une grande distance. Quand Lazare est dans le sein d’Abraham (dans la parabole), l’homme est dans le lieu de tourment et supplie : « Père Abraham, envoie Lazare pour qu’il mette un peu d’eau sur mes lèvres ». Et il y a cette phrase, extraordinaire mais terrible, d’Abraham : « Non, ce n’est pas possible ! Entre toi et Lazare, il y a un abîme infranchissable ». Et l’Evangile aurait pu dire : « ...comme durant ta vie il y avait un abîme infranchissable, que tu as créé entre toi et Lazare, tu n’as pas vu, tu n’as pas voulu regarder, tu t’es enfermé dans la prison de tes propres conforts, sécurités et peurs ».
La division entre le riche et le pauvre est la division la plus flagrante, aujourd’hui, si on veut ouvrir les yeux. Et toujours, toujours, quand il y a une division de cet ordre-là, vous avez des immenses barrières qui se dressent, parce que justement on ne voit pas, on ne regarde pas, parce que, si on voit, si on touche, si on regarde, on sera obligé de changer. Çà me met en cause, je ne peux plus !... Je ne peux plus continuer à vivre de la façon dont je vis, si j’ai touché la souffrance humaine. Ce n’est pas possible.
La division au temps de Jésus-Christ, entre les Juifs et les Gentils, entre les Juifs et les Samaritains, entre les riches et les pauvres, entre les bien-portants et les malades – et cette petite piscine de Bethesda dont on parle dans saint Jean, où il y avait tous les pauvres, tous les estropiés, et puis cet homme qui était là depuis trente huit ans, et personne ne l’avait aidé à pénétrer dans l’eau... : c’était simplement la « cour des miracles » des pauvres.
Le bien-portant ne veut pas s’approcher du lépreux. Vous savez que dans tout peuple, toute communauté, il y a comme une loi... : on a besoin de trouver celui qu’on va rejeter. C’est très mystérieux : regardez, dans toute civilisation, il y a toujours quelqu’un, un groupe qu’on rejette. Pour chacun de nous, c’est quelque chose à approfondir. Dans toute communauté, il y a une ou quelques personnes qu’on rejette : le bouc émissaire ! Toujours, toujours !
Dans le peuple indien, vous avez les lépreux. Moins maintenant. Mais vous avez  surtout les Intouchables. Quand vous allez aujourd’hui dans les villages de l’Inde, vous trouverez à quelques centaines de mètres du village, le lieu appelé « sheri ». Le « sheri » , c’est le lieu des Intouchables. Les Intouchables n’ont pas le droit de venir au puits.
Dans chaque peuple, il y a des gens qu’on rejette. C’est quelque chose que chacun devrait approfondir : pourquoi ? Comme chez le peuple juif, le rejet du lépreux, le rejet du pécheur. Il y avait constamment celui qu’on rejetait. Dans nos propres pays, on s’est senti comme obligé pendant des années, de créer des grandes institutions, dans lesquelles on mettait des hommes et des femmes, merveilleusement ouverts au niveau de l’amour, ralentis au niveau de la raison et simplement parce qu’ils étaient au ralenti au niveau de la raison, on se sentait obligé de les mettre dans des grandes institutions, à tel point qu’on trouve  encore des institutions comme aux Etats-Unis : 7000 personnes handicapées ! Il y en a moins aujourd’hui, Dieu soit loué ! On commence à travailler. Mais il faut essayer de comprendre ce que cela  veut dire, au niveau d’un peuple qui a pu faire ça ! Des personnes parmi les plus merveilleuses, par la qualité du coeur...  Et que tout un peuple a pu les mettre derrière des barreaux, en les disant « déficients ». Qu’est-ce que cela veut dire, si ce n’est un besoin de rejeter quelqu’un ?!
Depuis tant d’années, j’entends au Canada ou aux Etats-Unis qu’il faut réformer les prisons. On l’entend partout. Allez-y voir ! Quand on pénètre dans les prisons, vous entendez ceci : « C’est désolant ! La prison a été faite pour 400 hommes, et en fait nous sommes 600 ». Et quand on demande quels sont les services psychiatriques qui sont là pour aider, on vous dit : « Oh ! il y a deux psychiatres qui viennent trois fois par semaine, et il y a 600 hommes ! Çà, c’est des phrases qu’on entend. Et si vous commencez à en parler avec force, vous entendez ceci dans la population – je dis : dans la population ! – : « Non, il ne faut pas réformer ; il faut faire attention, ils sont dangereux ! » Comme on m’a dit pour les personnes handicapées : « Ils sont dangereux ! » Il y a comme une sorte de besoin de toujours garder quelqu’un ... LOIN !
C’est vrai que, quand on a un certain confort, on a peur du prisonnier, parce que c’est quelqu’un qui va peut-être voler des biens. François d’Assise, quand l’évêque lui a dit : « Pourquoi veux-tu vivre dans la pauvreté ? » a dit ceci : « Si je possède des biens, je serai obligé d’avoir des armements pour les protéger ». C’est puissant, cette phrase de François ! J’aurai besoin d’armes pour les protéger ! Protéger mes biens.
Il y a comme un besoin profond dans l’être humain, pour sentir qu’il est quelqu’un, de découvrir quelqu’un de plus pauvre que lui, qu’il puisse mépriser et dont il puisse dire : « Je ne suis pas comme lui ». Des hommes d’affaires peuvent voler dans la façon dont ils vendent les produits ; c’est un vol sérieux, mais ils pensent toujours qu’ils ne sont pas voleurs, parce qu’ils ne sont pas en prison. Il y a comme un besoin de dire : « Lui est en prison. Il est donc mauvais ! »
Il faut savoir le processus du rejet humain, qui est un besoin de garder les gens à distance et de les mépriser, de se moquer d’eux. C’est le processus des préjugés. Et nous avons tous des préjugés. Le préjugé, c’est : « Lui, il est mauvais et moi, je suis bon ». C’est le processus qui peut exister dans l’amitié. C’est ce qui est le plus noble, l’amitié, c’est une réalité humaine merveilleuse. Mais l’amitié peut devenir très vite le club des médiocres, où on s’attache les uns aux autres et on se flatte mutuellement. On dit : « Tu es merveilleux ! » - « Oh non ! c’est toi qui es merveilleux ! » Et on chante ensemble : « Nous sommes merveilleux ! »
Il y a un danger, parce que nous sommes si vulnérables, de trouver de la sécurité dans les amis. Mais une sécurité qui peut devenir un ghetto. Je suis bien et nous sommes bien. Mais les autres ? L’amitié n’a vraiment de valeur que si on trouve la sécurité l’un dans l’autre pour aller plus loin, pour marcher en avant, pour tendre nos mains à ceux qui ne sont pas encore nos amis. Que nous soyons ouverts et que nous ayons des coeurs d’accueil et non pas des coeurs enfermés dans la médiocrité, qui a terriblement peur de l’autre et de la différence.
Que nous puissions découvrir un jour la beauté de l’humanité. Au lieu de voir l’autre différent comme une menace et un danger, découvrir plutôt qu’avec l’autre différent, on se complète. Et que c’est merveilleux ! Avec nos tempéraments différents... Si on découvrait ça déjà au niveau de l’homme et de la femme.
On parle beaucoup aujourd’hui de la libération de la femme ; et c’est vrai que souvent peut-être l’homme, à cause de sa stupidité, voulait se protéger, se croyant plus malin, et il était à la femme qu’elle était folle et idiote. Au lieu de découvrir que la femme a une intuition extraordinaire – l’homme n’est pas intuitif pour deux sous ! L’homme est rationnel et très bon pour organiser. Mais il est souvent trop loin de son corps pour être intuitif. C’est pour cela que souvent l’homme, quand il a un petit rhume, croit qu’il a une pneumonie ; il faut alors qu’il prenne des antibiotiques. Mais la femme est beaucoup plus proche de son corps. C’est pour cela qu’elle a des intuitions. Et l’intuition de la femme a besoin d’être complétée par la capacité rationnelle et d’organisation de l’homme.
Je généralise, c’est évident ! Mais dans toute généralisation, il y a une vérité, comme il y a peut-être des exagérations. Mais ce que je veux dire, c’est que, quand quelqu’un est rationnel, il a besoin d’être complété par quelqu’un qui est intuitif. Et l’homme a besoin d’être complété par la femme, et la femme a besoin d’être complétée par l’homme.
Dans notre pays[1], les peuples issus de la France ou de l’Angleterre auront besoin d’être complétés par les peuples qui étaient les habitants originels de notre pays : les Indiens, les Esquimaux. Au lieu de dire : « Il faut que tu deviennes comme nous », découvrir l’harmonie des peuples : l’harmonie des dons extraordinaires des peuples noirs ; la qualité de tendresse, de vérité, qu’on trouve dans certains peuples d’Asie ; les peuples comme les Aborigènes, qui sont un peuple étonnant de délicatesse... Et si souvent on a peur ! On a peur de la différence.
L’homme a peur de la femme. La femme a peur de l’homme. Les peuples ont peur les uns des autres. Ceux de langue anglaise ont peur de ceux de langue française, et vice-versa. Les peuples indiens ont peur de ceux qui sont issus des soi-disant civilisations d’Angleterre et de France. Nous avons peur ! Au lieu de voir qu’on pourrait se compléter, si nous étions suffisamment humbles et ouverts. Accueillir le don de l’autre. Travailler ensemble. Faire un monde de paix.
Les puissances que nous mettons autour de nous, les barrières, les peurs, cela veut dire que nous cachons notre vulnérabilité. Nous cachons notre vulnérabilité. Il faut que je domine pour avoir un sentiment d’être. Il faut que j’ai l’impression d’être plus capable et meilleur, pour avoir le sentiment d’exister et de ne pas être un mort-vivant.
Jésus-Christ est venu il y a 2000 ans dans un monde terriblement divisé. « Dieu a tellement aimé le monde – Il a tellement aimé le monde – qu’il a envoyé son Fils bien-aimé, chéri, non pas pour condamner ces divisions, mon Dieu ! Dieu sait ! Dieu sait notre vulnérabilité. Et Dieu sait que, parce qu’on est vulnérable, on est obligé de garder les gens à distance. Ça, c’est la pauvreté humaine. C’est la condition humaine. On est tous des êtres terriblement vulnérables.
Et curieusement, plus un homme a l’air puissant et fort, plus il est vulnérable. Cet homme qui, dans la prison, hurlait, et donnait l’impression d’une puissance extraordinaire, en fait c’était un grand vulnérable. Plus l’homme apparaît comme dur de coeur – un patron d’usine, qui passe tout son temps à crier et à ne chercher que la productivité, en réalité il cache un coeur d’enfant vulnérable. Nous sommes tous des coeurs vulnérables.
Et plus nous montrons ou nous voulons montrer notre puissance, plus en réalité nous sommes en train de cacher une vulnérabilité non assumée. On ne sait pas quoi faire avec. Et c’est cette vulnérabilité non assumée qui crée les frontières, les barrières, les murs de prisons, les murs de ces hôpitaux dans lesquels on a enfermé tant d’hommes et de femmes handicapés, tous ces murs qu’on a dressés autour des ghettos, les murs qu’on dresse entre les pays riches et les pays pauvres, tous ces murs qui sont à l’intérieur de moi et qu’on appelle des blocages. Où on est incapable de regarder les gens dans les yeux, où on se bloque, où on refuse d’écouter, où on crée ce monde de barrières... Et je m’enferme dans mon petit monde de confort. Et je critique. Je vois la poussière dans l’oeil de l’autre., mais je ne vois pas le tronc d’arbre qui est dans le mien. Je projette sur les autres toutes les choses que je n’aime pas à l’intérieur de moi-même.
Quand quelqu’un utilise l’argument de la langue, la critique... Ça, c’est une réalité dont il est important de prendre conscience dans une retraite : qui sont les personnes que je critique ? Avec qui suis-je agressif ? Très souvent on est agressif par rapport à l’autorité. C’est une maladie très particulière de l’adolescence vulnérable. Et on est tous adolescents... sous un angle. Tant que je n’ai pas pu trouver cette maturité dans le dialogue avec l’autorité...
Ou bien l’autorité qui a peur, qui se ferme et qui refuse le contact. Se sentant incapable d’écouter ceux dont ils sont responsables. Des parents qui se ferment, qui n’osent pas écouter le cri de l’enfant, qui n’entendent pas ce qu’il dit, qui vont imposer leurs idées... Incapables d’écouter la liberté.
Parce qu’ils veulent que leurs enfants soient parfaits, au lieu d’écouter et de démêler ce qui est un mélange, comme en chacun de nous, de haine et d’amour, d’égoïsme et d’amour, de ténèbres et de lumière.
Jésus est venu sur cette terre pour faire tomber les barrières qui séparent les hommes entre eux. Jésus est venu pour prêcher la paix. Jésus est venu pour que les barrières d’hostilité tombent, pour que les gens se rencontrent. IL est venu pour réconcilier les hommes avec le Père et les réconcilier entre eux. C’est cela l’oeuvre de Jésus-Christ.
Saint Paul, dans l’épître aux Ephésiens, le dit d’une façon si belle et si puissante, en prenant l’exemple des deux mondes qu’étaient le monde des païens et le monde des Juifs. Il écrit à des Ephésiens, des païens, qui par la suite ont connu Jésus. Il dit ceci : « Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches, par le sang du Christ, car c’est lui qui est notre paix, lui qui, des deux mondes, des deux peuples » – et derrière ce terme de « peuple », on pourrait dire : riches et pauvres, bien-portants et personnes handicapées ; on pourrait mettre : peuple blanc et peuple noir ; on pourrait dire : peuple indien et peuple blanc... Toutes ces divisions si profondes qui existent.
« Lui qui, des deux mondes, en a fait un seul, il a détruit le mur qui les séparait : la haine ! Abolissant dans sa chair la Loi avec ses commandements et décrets » – tout ce qui faisait que le peuple juif était contenu dans son propre ghetto –. « Il a voulu ainsi, faisant la paix, de ces deux hommes, créer en lui un seul homme nouveau, et par la croix tuer en lui la haine, les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul corps, une seule humanité, une seule Eglise. Et il est venu vous annoncer la paix, à vous qui étiez loin, la paix aussi à ceux qui étaient proches. Car c’est par lui que, les uns et les autres, nous avons accès en un seul Esprit auprès du Père ». L’oeuvre de Jésus : « Le Père a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique », non pas pour nous condamner, dans nos peurs, nos violences, nos barrières, nos préjugés... non pas pour nous juger, mais au contraire pour nous sauver (cf. Jn 3,16-17).
Et il nous sauve, non pas en nous disant de faire descendre les préjugés, non pas en nous faisant descendre les barrières, mais il le fait en nous touchant dans notre vulnérabilité. Parce que, quand la présence de Dieu se révèle à notre vulnérabilité, on n’a plus peur. Et c’est de soi-même qu’on fait tomber les barrières. Parce qu’on découvre qu’on est aimé de Dieu. On est aimé dans notre vulnérabilité. C’est vrai qu’on est petit, chacun de nous. C’est vrai qu’on est fragile. On n’a pas besoin de prétendre. On n’a pas besoin de montrer qu’on est plus malin que le voisin. On est tous pareils. Et si je suis aimé de Dieu, je n’ai pas besoin de faire croire au voisin que je suis mieux. J’ai découvert ce qui est au coeur de l’Univers, c’est-à-dire l’unité fondamentale entre tous les hommes et toutes les femmes ; et qu’on est aimé de Dieu. Et que c’est lui notre soutien et notre défenseur dans notre vulnérabilité. Je n’ai pas besoin de créer ces murs. C’est lui qui me défendra. Comme un père, une mère, qui soutient et porte son enfant.
Alors je peux accepter d’être vulnérable. Parce que ma vulnérabilité, loin d’écarter Dieu de moi, au contraire l’attire. Il prend place dans la terre vulnérable de mon être. Je n’ai pas besoin de prétendre que je ne suis pas vulnérable : nous cheminons vers cette vulnérabilité totale qui est la mort. C’est inscrit dans notre être. On a tous cette vulnérabilité profonde de nos coeurs d’hommes et de femmes en quête d’être aimés. Et Dieu, non seulement a envoyé son Fils unique pour nous toucher dans notre vulnérabilité, mais Jésus dans ces triples mots : « Viens ! » – « Demeure avec moi ! » –  « Va ! », comme le Père a envoyé son Fils, lui aussi nous envoie, pour révéler aux hommes qu’ils ont le droit d’être vulnérables, mais qu’ils sont aimés. Et quand ils découvrent qu’ils sont aimés, ils font tomber les barrières. La haine disparaît. C’est l’oeuvre de Jésus, de nous envoyer, pour que nous soyons ces hommes et ces femmes qui continuent l’oeuvre de Jésus, qui fait oeuvre de réconciliation : faire tomber les barrières qui séparent les hommes, faire que l’humanité devienne un corps, le Corps mystique de Jésus ; un Peuple, un Troupeau, une Eglise, une communauté d’hommes et de femmes qui ont la même foi et la même confiance, et par le fait même, vivent dans la paix de Dieu.

Jean Vanier – 3e conférence : Etre un berger

Un sujet qui nous touche beaucoup et qui est peut-être un des sujets les plus graves de notre monde. Et cela me touche personnellement. C’est la question de l’exercice de l’autorité. L’exercice de la paternité et de la maternité. « Etre un berger ».
C’est particulièrement important à notre époque. Et grave. Parce que l’autorité à notre époque est bafouée. Et on a essayé à tout prix de couper l’autorité de la tendresse, pour que l’autorité ne devienne plus que l’exercice ou l’imposition de la loi.
Pour ceux qui sont préoccupés de cette question, il est important de regarder ce qu’ont dit des gens comme Marcuse, dans le sens opposé de ce que moi je vais dire. Vous avez actuellement toute une technique qu’on développe pour affaiblir et tuer l’autorité. C’est une technique mise au point par des gens qui connaissent le processus de la révolution. Pour l’affaiblissement de l’autorité, il faut la couper de toute tendresse. Epoque où Freud a mis fortement l’accent sur l’oppression parentale. Maintenant on parle beaucoup de la mort du père. A tel point que si la psychologie moderne a beaucoup insisté sur le rôle de la mère, à notre époque il y a une crise de paternité, et le père ne sait plus son rôle. Cela amène des catastrophes.
Ce rôle de l’autorité, nous le vivons chacun de nous dès que nous sommes proches et responsables d’un autre être humain. Ce n’est pas facile d’être aujourd’hui un père ou une mère. Ce n’est pas facile aujourd’hui d’être responsable d’une classe d’enfants. Ce n’est pas facile aujourd’hui d’être responsable d’autres personnes... soit qu’on soit responsable d’une communauté, soit qu’on soit prêtre, évêque, pape.
Et nous avons besoin aujourd’hui de demander profondément à l’Esprit-Saint d’éclairer nos coeurs, de fortifier nos esprits, pour que nous puissions pénétrer dans ce domaine. Je dis cela avec beaucoup de tremblement et de crainte parce que je suis moi-même responsable d’une communauté de 400 personnes ; et je suis bien conscient de mes lacunes et de mes propres ambiguïtés dans ce domaine.
Nous qui exerçons un certain pouvoir, qui avons une certaine autorité, une certaine responsabilité, nous pouvons voir à l’intérieur de nous, à la fois les fuits, les démissions, les craintes devant celui dont on est responsable, parce qu’on a peur des histoires, de la contestation... Et à ce moment-là il y a la démission. Et à notre époque c’est particulièrement l’âge de la démission en face de la contestation.
Ou bien on devient tyran, dominateur, refusant toute contestation, refusant d’être purifié, croyant toujours avoir raison. Et quand on fait cela, on se sépare de ceux dont on est responsable et on s’enferme dans son bureau. On met en face de soi un énorme bureau pour garder les gens très loin de soi.
C’est difficile de trouver la vérité, entre la démission devant la contestation, devant la difficulté de la responsabilité, et d’autre part l’exercice abusif du pouvoir, avec les fuites...
C’est le point aujourd’hui le plus complexe, le plus difficile. Peut-être à toute époque ? C’est peut-être en nous le domaine le plus difficile à baptiser. C’est-à-dire à exercer vraiment dans l’esprit de Jésus-Christ. Parce qu’il y a des phénomènes à l’intérieur de nous, qui font qu’on veut dominer l’autre, pour trouver : « Je suis plus capable que lui, je suis mieux ». Il y a en nous une sorte de soif d’avoir le succès, le prestige, de n’être mis en cause par personne.
C’est pour cela que, dans une journée comme aujourd’hui, qui précède une célébration pénitentielle, la demande du pardon, il faut que nous ayons le courage, chacun de nous, et moi le premier, de regarder à l’intérieur de soi-même, pour découvrir toute l’hypocrisie, la domination, toutes les démissions qui existent en nous.
L’autorité, c’est quelque chose d’extraordinairement beau. Et peut-être on oublie cela. C’est rendre  présente la paternité divine. Parce que toute autorité, toute paternité vient de Dieu. Et c’est terriblement exigeant. C’est une voie royale de sainteté, d’être un papa ou une maman. C’est une voie royale de sainteté, d’assumer aujourd’hui mes responsabilités en face d’autres. Si on exerce bien la paternité, on apporte véritablement la libération. Si on exerce mal la paternité (j’assimile là la maternité à la paternité, c’est-à-dire l’exercice d’un pouvoir – et peut-être on aura l’occasion de voir la différence entre la paternité et la maternité – ... Mais si on l’exerce bien, c’est quelque chose d’extraordinaire et de libérant.


[1] Le Canada (NDLR).